"Le bonheur est toujours derrière. Essaie de te mordre le coude. C'est ça le bonheur". (Anton Tchekhov extrait de la pièce, traduite par André Markowicz et Françoise Morvan).
"Sur la grand-route", d'Anton Tchekhov. Une proposition du collectif "Notre cairn". Mise en scène de Charles Zévaco.
Mise en scène exigeante et enthousiasmante de cette pièce courte, et somme toute peu connue de Anton Tchekhov.
Un bel esprit de troupe flotte sur la péniche.
Une aventure de 4 ans qui se concrétise pour le collectif Cairn, né pendant leurs études à l'école TNS / Théâtre National de Strasbourg. Et pour le public.
Vendredi 3 août à 20h30 et samedi 4 août 2012 à 15h30 et à 20h30 à bord de la péniche-théâtre Adélaïde à Strasbourg (Quai Fustel de Coulanges, côté CUS. Puis en tournée sur les canaux de Moselle et d'Alsace jusqu'au 2 septembre 2012.
Attention : la jauge étant limitée, mieux vaut réserver : resa.grandroute@gmail.com ou 06 03 54 39 39
Article de Veneranda Paladino, DNA / Dernières Nouvelles d’Alsace (2 août 2012)
Sur la grand-route.
Issu du groupe 39 de l’école du Théâtre national de Strasbourg, le collectif Notre Cairn monte sa première création Sur la grand-route à bord d’une péniche-théâtre et entreprend une tournée sur les canaux de la Marne au Rhin, et du Rhône au Rhin.
À bord de la péniche-théâtre Adélaïde, le collectif Notre Cairn hisse le pavillon d’un théâtre qui fend l’eau et les cœurs avec l’émotion et l’interrogation au bout du voyage. Mise – presque gracieusement – à la disposition des anciens élèves issus du groupe 39 de l’école du Théâtre national de Strasbourg par Mireille Larroche, directrice de la compagnie nationale La Péniche Opéra, Adélaïde quitta Paris et navigua durant deux semaines sur les canaux de la Marne au Rhin pour atteindre les quais de Strasbourg. Bel éloge de la lenteur en ces temps de très grande vitesse barré par Arthur Michel, l’un des régisseurs de Notre Cairn.
À partir de la capitale alsacienne, le théâtre flottant va entamer une tournée d’une douzaine de dates, le menant sur les canaux de la Marne au Rhin, puis du Rhône au Rhin dans les villes et villages de Lorraine et d’Alsace, de Xouaxange à Colmar.
Imaginé dans les murs du TNS il y a déjà quatre ans, le projet autour de la pièce en un acte d’Anton Tchekov, Sur la grand-route, renoue avec la tradition des troupes itinérantes, revendique « sa filiation avec les Cadets de la Comédie de l’Est, premiers groupes formés à l’école », affirme Charles Zévaco.
Autour du comédien et metteur en scène, Notre Cairn réunit une sacrée bande harmonieuse et engagée à fond dans le projet qui signe l’acte de naissance artistique du collectif. L’amitié née sur les bancs de l’école du TNS se consolide dans la fabrique d’un théâtre erratique, généreux, ouvert au plus large public. Théâtre populaire, certes, mais qui ne cède rien au divertissement culturel car la pièce tchékovienne qu’ils créent dans une belle énergie n’appartient pas au répertoire des comédies de l’immense dramaturge russe.
Écrite en 1884, Sur la grand-route repose sur un seul acte et fut sous-titrée Une étude de l’être humain. Malgré la brièveté de sa forme, le médecin des âmes ausculte, en cinq scènes sèches et avec finesse, la psyché humaine, ses faiblesses et ses peurs. Pièce cathartique, elle loge dans une taverne isolée sur la grand-route quelques pèlerins, des vagabonds, des ivrognes, des brigands, tous soudainement surpris par un violent orage.
Une fois le pont franchi et les écoutilles fermées, la péniche se referme sur le silence et les spectateurs (une jauge de 50 personnes) assistent à moins de trois mètres des sept comédiens à la quête existentielle, sensuelle, voire sexuelle qu’orchestre Tchekov. Rythmée par des gouttelettes d’eau, la partition s’incarne dans les corps et les voix des jeunes interprètes – Selin Altiparmak, Léon Bonnaffé, Jeanne Cohendy, Julien Geffroy, Malvina Morisseau, Hugues de la Salle et Stanislas Siwiorek.
On réclame de la vodka à l’image de Bortsov, aristocrate ruiné et trompé par sa femme, on boit, et on parle, on parle. Un flux de paroles répond au flot d’eau tombé du ciel. Mais déjà plus rien ne sera comme avant cette nuit d’orage. L’arrivée d’un messager déjoue les destins, les rôles s’inversent durant cette nuit balayée par la tempête.
Ici, le temps trompe les horloges, se dilate comme dans les songes. Porté par des murs blancs délabrés, l’espace scénique a complètement transformé la Péniche Opéra, des bouteilles, un miroir, quelques objets reconstituent le cabaret de Tikhone Evstignéev tel que l’a architecturé Anne Lezervant.
Sur la péniche-théâtre, la voix de l’auteur russe s’y fera sûrement entendre comme jamais. Notre Cairn pose Sur la grand-route une pierre inaugurale, fondatrice d’un travail finement ourdi.
par Veneranda Paladino, DNA / Dernières Nouvelles d’Alsace (2 août 2012)